2013, c'est au tour des jeunes lecteurs...

2013, c'est au tour des jeunes lecteurs de faire battre leur coeur : lectures et rencontres pour découvrir, se faire plaisir et se retrouver dans les écoles et les bibliothèques de Saint-Paul.

Astèr là

mercredi 9 octobre

à 10h30, médiathèque de Saint-Paul : "Les baobabs amoureux" de Maïwenn Vuittenez, éd. Océan (6-7 ans)

à 15h, bibliothèque du Guillaume : "Iris sans souci" de Amélie Billon-Le Guennec et Coralie Saudo, éd. Epsilon (6-7 ans)


jeudi 27 septembre 2012

La révolte des oreilles coupées

de Sudel Fuma, édité chez Historun
5 à 7 : 3 octobre

Sudel Fuma nous livre ici un texte en 3D. Le roman historique, une synthèse des données historiques sur la Révolte de 1811 à Saint-Leu, la copie des documents source. Pourquoi la fiction ? Pour redonner vie à des fragments d’archives lyophilisés. L’auteur prend le temps d’éclairer finement le contexte de la révolte de 1811. Il raconte de façon très réaliste le quotidien de l’esclavage à Bourbon, ses atrocités, sa barbarie.
Élie, Gereon, Figaro… l’auteur présente un à un les protagonistes de cette tragédie. Ses descriptions et ses récits ne manqueront pas de révolter le lecteur. « La Ravine du trou » signalée aux usagers de la Route des Tamarins prendra désormais à ses  yeux une dimension moins exotique. Ce travail permet en tout cas de tordre le cou à quelques clichés bien tenaces selon lequel l’esclavage à Bourbon aurait été plus doux qu’aux Antilles et nos esclaves plus soumis que sous d’autres latitudes.
Ce texte à la gloire d’Élie et de la révolte des esclaves de Saint-Leu n’a pas été écrit en Noir et Blanc. L’auteur nous livre un texte « entre deux couleurs », un texte tout en nuances – de marrons - pour dépeindre les lignes de fragmentation : divisions, ruptures, violences (sexuelles) et trahisons qui travaillent les deux blocs en présence jusqu’à les fissurer. De l’intérieur.
Le maître est blanc mais ses amours sont malgaches. Géréon est noir – de peur - mais ses yeux sont verts et sa filiation fait de lui un « esclave blanc ». Le commandeur a la couleur créole des frères qu’il fouette. Le « makro » a vendu son âme au Colon, une âme grise. Le « Libre de couleur » chasse son semblable pour une maigre prime.



Ce travail rend compte de la complexité d’une société esclavagiste qui n’oppose pas deux groupes unis et homogènes mais des hommes et des femmes qu’une même « Habitation » dans un cadre insulaire commun force à… se rentrer dedans.
Des hommes et des femmes en quête d’une lueur de liberté, d’égalité, de fraternité dans les interstices d’un système pervers qui peut se refermer sur eux comme une trappe… ou un couperet.


jeudi 20 septembre 2012

Sur feuille de songe

de Catherine Pinaly, édité chez L’Harmattan
5 à 7 : 26 septembre

Ce texte est l’histoire d’un homme qui se souvient, qui revient sur les lieux de ses anciennes amours.
C’est un roman qui ne manque pas de sel. Le sel de la vie. Axel, « vieillard rouillé » se bat avec une mémoire lointaine pour sauver du naufrage de l’oubli son arrivée à la Réunion en 1878, sa rencontre avec une femme de 10 ans plus âgée que lui.
Axel Brieux a 27 ans. Ce spécialiste des marais salants arrive à point, à la Pointe au Sel, pour relever l’exploitation d’une saline en perdition. Il arrive à point aussi, dans la vie de Louise, femme de la bourgeoisie créole, qui partage la mélancolie de son quotidien entre son « Habitation », La Chamade, une vie conjugale qui s’effiloche et une  maladie nerveuse.
A-t-il été subjugué par l’île ou par l’elle ? Toujours est-il qu’il s’attache à Louise, comme à son domaine : « comme un bernique à son rocher ». Le lecteur ne manquera pas de s’attacher à son tour à Babet, Lili, Louise et Violette, retrouvant au fil des pages le décor de la Réunion des années 20. Le temps du retour aux sources est aussi le temps de l’écriture
Axel écrit à sa fille pour lui raconter sa façon de « naitre au monde » sur une plage de Saint-Leu, entre la mer et le ciel. L’auteure fait emprunter au narrateur, avec une infinie tendresse, un chemin amoureux qui n’a rien d’exotique. Le mystère de la vie et de l’amour est patiemment tissé. 
Violette est-elle zoréole ou créole ? Au fil des pages, le lecteur se souvient que  la naissance, la vie, la mort ramènent à une humanité qui ne connaît ni frontière ni drapeau.

lundi 17 septembre 2012

On en parle...

Dans sa rubrique, "Vous prendrez bien un livre", Brigitte Croisier nous parle de "Feuille de songe", le livre de Catherine Pinaly.
Pour lire l'article sur Imaz Press, cliquez ici.

jeudi 13 septembre 2012

Concepts pour penser créole

de Aude-Emmanuelle Hoareau, édité par Zarkansiel
5 à 7 : 19 septembre

Peut-on penser en créole ? Cette langue est-elle capable de véhiculer une pensée ? C’est la question à laquelle, en philosophe, Aude Emmanuelle Hoareau s’efforce d’apporter ici des réponses dans un texte pédagogique nourri de nombreux exemples.
De Batarsité à Zistis en passant par Kroyans, Mobilité, Moucataz et Tanlontan, l’auteure passe en revue un florilège de mots qui émergent du flot des conversations, des mots qui ponctuent le débat réunionnais, des mots qu’elle considère comme des marqueurs d’identité, des balises susceptibles de nous aider à nous frayer une direction dans les friches d’une culture créole à peine débroussaillée.
L’auteure s’efforce de mettre à jour la pensée originale que dissimulent des mots familiers. Elle donne à réfléchir sur les mots clés de la culture réunionnaise, des mots qui ouvrent sur un mode de vie, une manière d’être au monde, spécifique.
Créolité ? Créolie ? Kréolité ? « Il n’y a pas de concept simple », nous rappelle l’auteure.
Questionnement philosophique ou plaidoyer ? Éloge de la créolité ? Défense et Illustration de l’identité, de la langue et de la culture créole ? Analyse  ou Manifeste de la
réyonèzté ? Cet essai, qui s’appuie notamment sur les textes de Danyel WARO, projette un modèle idéal de batarsité.
 
Le texte se consulte comme un abécédaire qui interroge l’ABC, les fondements de la pensée créole. Il finira par épuiser toutes les lettres de notre alfabé. L’engagement de l’auteure au service de l’arkansialité réunionnaise ne laisse pas indifférent.

Le lecteur ne manquera pas de reconnaître, dans le modèle réunionnais décrit comme « 
un tissage  infini des singularités »,  son Fonnkèr, son « identité particulière au sein du mélange ».

jeudi 6 septembre 2012

Loui Redona

de Daniel Honoré, édité chez Editions K’A
5 à 7 : 12 septembre

Redona c’est le nom de la mère créole de Louis. Son père ne lui donne pas son nom mais ne lui refuse pas son amour. Le vieux Chu-Shao est fier de son garçon et prie les Dieux du Temple pour qu’il réussisse à l’école.
Le roman raconte la promotion d’un jeune bénédictin qu’une enfance difficile ne destinait pas à la prospérité. Les encouragements de son père, les sacrifices de sa mère lui permettent de réaliser l’attente parentale. Louis décroche son BAC. Louis devient professeur. Le voilà fonctionnaire, un statut qui garantit la vie facile dans la Réunion des années 60. Un paradis artificiel sur lequel l’auteur porte un regard sans complaisance. Il nous montre surtout que cette ascension sociale ne se fait pas sans heurts.
Ce roman peut être lu comme le récit de ruptures successives.
La séparation entre la père et la mère.
La distance douloureuse entre la Chine et la Réunion. Chu-Shao habite la Réunion mais c’est la Chine qui l’habite : un pays, une langue, une cuisine, des jeux qu’il partage avec ses camarades de la
société Shinoi. Chu-Shao n’oublie pas la terre de ses ancêtres qu’il rêve de faire connaître un jour à son fils.
La fracture socio-économique et culturelle entre les nantis et les laissés pour compte. Cigarettes (blondes), whisky et petites pépés, Louis est un nouveau riche. Il parle français. Il se meuble en skaï et en formica. Il roule en
loto et regarde la télévision. Il a droit aux congés administratifs en France et aux voitures immatriculées en TT. Louis a tout pour être heureux.
Le problème c’est que Louis se souvient. De Shao, de sa maman Sabine, de Tonton Tintin, de la misère partagée avec bon cœur. La promenade qui le conduit un soir au seuil de la case de Mme Ignace fait tout basculer. Louis revoit sa nourrice. La déchirure entre le
zoreil péi qu’il est peut-être devenu et ce monde dont il est issu s’envenime en dépression.


Militantisme culturel ? Engagement politique ? Comment sortir de cette impasse ? 

Comment faire la « réunion » du français et du créole, des Gros et des Ptits, des anciens esclaves et des nouveaux maîtres, de Honoré et de Redona ?Louis Redona est le premier roman de Daniel Honoré.
C’est le premier roman en créole : une histoire d’amour d’un fils pour son père et sa mère, l’histoire d’amour d’un homme pour une île dont il questionne les zones de faille.

On en parle...

JIR du 5 septembre 2012

mardi 4 septembre 2012

Quand les mots manquent la violence explose

de Marie-Claude Barbin, édité chez l'Harmattan
5 à 7 : le 5 septembre 


Selon la presse locale (JIR du 6 Juillet 2012) « la violence péi serait plus sensible qu’en métropole » : 195 000 victimes dans notre île pour la période 2009-2010, des coups qui pleuvent davantage dans les cases, un sentiment d’insécurité exacerbé. Un bilan qui donne une particulière actualité à l’essai de Marie Claude BARBIN, un « miroir » dans lequel l’auteur donne au lecteur la possibilité de « réfléchir » sur la violence réunionnaise.  
L’intérêt de l’auteure pour cette question n’est sans doute pas sans rapport avec l’enfance violentée qu’elle raconte dans son roman autobiographique l’Insensée.[1]
L’auteure ne s’arrête pas aux faits divers et aux crimes passionnels. Elle s’intéresse à la violence sous ses formes multiples, une violence de tous âges celle qui concerne le bébé (le bébé secoué), l’enfant scolarisé (échec, agressivité), l’adolescent (la dépression, l’abus de toxiques, la Tentative de Suicide), la brutalité conjugale (Si tu me quittes je te tue !), la violence intrafamiliale, la maltraitance du 3ème âge. Le texte se présente comme une suite d’articles auxquels le lecteur pourra se reporter directement, dans l’ordre qui lui conviendra. 
 Nul doute qu’il accordera cependant une attention particulière à l’analyse des drames qui, comme la tragédie du Petit Lys d’amour ont marqué notre actualité récente. Comment « des hommes doux et souriants, d’un naturel affable, pacifique et pas envieux »[2] peuvent-ils soudain basculer dans la monstruosité ? La réponse de l’auteure cible moins l’alcool qui accompagne les passages à l’acte qu’un défaut de parole, un manque  de mots capable de transformer une violence secrète, enfouie, refoulée, en barbarie. Mots qui manquent à l’agresseur pour exprimer sa souffrance. Mots qui ne sortent pas, mots coincés dans la gorge d’une victime sommée de se taire et prisonnière de son silence. Mots ravalés de l’accusé prostré dans son mutisme dans le prétoire. 
L’objet de ce texte est de sortir du schéma manichéen du Bon et du Méchant pour proposer une grille de lecture psychopathologique à travers laquelle l’agresseur est aussi reconnu comme victime. À l’issue de sa première condamnation Le Petit Lys d’amour, aurait « manifesté simplement de désir de reprendre ses études de… langues ! »
Pour en trouver une capable d’exprimer ses maux ? 
 
[1] L’insensée, Orphie, 2010
[2] Préface de Jean Jacques Morel, Avocat au barreau de Saint-Denis

dimanche 2 septembre 2012

Mutualisation des approches


La conférence « Racines et enracinement » donnée par Marie Claude DAVID-FONTAINE [1] le jeudi 30 août 2012 à la Mutualité est venue – heureux hasard - faire écho au Coup de cœur des lecteurs Saint-Paulois. La conférencière proposait une approche du peuplement de l’île à travers le roman réunionnais, de l’arrivée des premiers colons aux histoires d’amour contemporaines comme celle de la "réunion" d'une « Tantine Zoreil » et d'un « Kaf» dans le roman de Joëlle ECORMIER.
Marie Claude DAVID-FONTAINE nous a finement parlé de la pluralité et de la complexité des installations forcées ou volontaires, des interactions constantes entre les natifs et les nouveaux venus. Ont été évoqués : Sudel FUMA pour la « réunion » violente des maîtres et des esclaves ; Catherine PINALY pour le rôle des femmes, pour la force de l’amour qui brise la barrière des appartenances ; Edith WONG HEE KAM pour le va-et-vient (épistolaire) entre désir d’intégration et souci de préservation des origines, pour la découverte de l’altérité : les paysages, les hommes, la nourriture, la langue, les croyances et les pratiques religieuses ; Yves BOSQUET pour l’ouverture à la culture de l’autre, l’arrimage réussi d’un émigrant à notre île ; Daniel HONORE pour le double arrachement, celui du non-retour au pays natal, celui de la fracture sociale qui sépare le fonksionèr des années 60 de ses origines pauvres. En définitive : un hommage aux écrivains péi, une réflexion sur  un enracinement tortiyé en  batarsité  qui rejoint le questionnement identitaire de Aude-Emmanuelle HOARAU, une belle approche de la question du "vivre ensemble", question réunionnaise mais qui interpelle le Tout Monde[2], question  qui est aussi au centre de l’essai de Marie Claude BARBIN que nous recevons dans le prochain 5 à 7 du Mercredi 5 septembre.



[1] Professeure agrégée de Lettres, auteure du Manuel de littérature réunionnaise d'expression française pour les lycées, CRDP

[2] Selon le mot de Patrick CHAMOISEAU